ACCAPAREMENT DES TERRES EN AFRIQUE: Les ingénieurs agronomes réunis pour discuter des impacts sur la sécurité alimentaire
La deuxième Conférence Internationale des Ingénieurs Agronomes Africains (Ciiaa) s’est ouverte ce lundi 23 septembre 2024 à l’Institut International des Technologies Agricoles (Iita) à Abomey-Calavi. Réunissant plus de 20 acteurs du secteur agricole, y compris des ingénieurs agronomes et des juristes, cette deuxième édition est axée sur l’accaparement des terres arables et la sécurité alimentaire en Afrique.
Mouleykatou SOULEYMANE
Dans de nombreux pays africains, la tradition affirme que « la terre ne se vend pas ». Cependant, l’accaparement des terres constitue un phénomène inquiétant, remettant en question des pratiques ancestrales et menaçant l’avenir des générations futures. Ce phénomène, qui s’est intensifié après la crise alimentaire de 2008, est souvent lié à l’agrobusiness et privilégie le profit, comme l’indiquent de nombreux exemples en Afrique de l’Ouest et du Centre.
Selon les informations rapportées par le média Agratime, l’honorable Henri Gbone, président de la Commission agriculture, économie rurale et ressources naturelles du parlement panafricain, décrit ce processus comme « l’achat à grande échelle par des investisseurs étrangers de vastes superficies de terres agricoles dans les pays en développement, sans tenir compte des besoins alimentaires des populations locales ». Il implique trois principaux acteurs : l’État, les investisseurs étrangers et les communautés locales, a ajouté le Dr Azizou El-Hadj Issa, ancien ministre béninois de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche.
« S’accaparer la terre d’un citoyen, c’est non seulement complexifier son existence, mais aussi compromettre son avenir », a regretté Euden Dossou, Secrétaire général adjoint de l’union des ingénieurs agronomes africains. En réponse à cette situation, incompatible avec les objectifs de souveraineté alimentaire, plus de 20 acteurs du secteur agricole, y compris des ingénieurs agronomes et des juristes, se sont réunis pour discuter des impacts sur la sécurité alimentaire et explorer des solutions pour protéger les terres agricoles.
En ce qui concerne Mamadou Konaté, conseiller politique et représentant du représentant de la Cedeao au Bénin, « c’est une occasion propice non seulement pour partager des compétences et des expériences, mais aussi pour échanger des idées et trouver des solutions face à l’accaparement des terres», rapporté par le même média.
Accaparement des terres en Afrique en chiffres
Les statistiques concernant l’accaparement des terres en Afrique sont préoccupantes. « Sur 416 cas d’accaparement recensés à l’échelle mondiale, 228 se situent en Afrique », a déclaré Euden Dossou. Environ 25 millions d’hectares, soit 50 % des terres accaparées, se trouvent sur le continent, comparé à 20 % en Asie-Pacifique et en Asie de l’Est.
Au total, 203 millions d’hectares ont été accaparés dans le monde, avec 730 transactions analysées, sans application effective des règles internationales. Au Bénin, 236 100 hectares ont été loués ou vendus en 2020, représentant 0,75 % des terres. Au Gabon, 415 000 hectares ont été cédés (1,32 %), tandis qu’au Ghana, 907 000 hectares sont en cours de location ou de vente à des investisseurs étrangers.
Ces pratiques entraînent le déplacement des populations, l’aggravation de la pauvreté, des famines, des conflits croissants, ainsi que la perte des droits fonciers et des moyens de subsistance.
Réglementer pour sauver l’agriculture
Face aux défis posés par l’accaparement des terres et ses conséquences sur la sécurité alimentaire, des solutions urgentes doivent être envisagées. Selon Abdoulaye Toko, directeur adjoint au ministère de l’Agriculture du Bénin, il est crucial de promouvoir des politiques protégeant les droits des agriculteurs locaux et assurant une gestion durable des terres.
Moutaouekkel Abdelali, président de l’Association des ingénieurs agronomes du Maroc, a ajouté qu’il est nécessaire de revoir le modèle de développement agricole actuel en adoptant un approche plus inclusive et durable, centrée sur les besoins des populations locales, en diversifiant les cultures et en préservant la biodiversité.
Rappelons que l’Union des ingénieurs agronomes africains a été fondée lors d’un congrès constitutionnel en Égypte les 8 et 9 février 2020, et a tenu son premier congrès organisationnel à Rabat du 25 au 27 mars 2022.